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Crise sanitaire et traite des êtres humains

Le GRETA est l’organisme qui veille à l’application de la Convention du Conseil de l'Europe sur la lutte contre la traite par les Etats signataires. Son dernier rapport annuel, paru récemment, aborde de façon détaillée les répercussions de la crise de la Covid 19 sur la traite en Europe.

La difficulté d’identifier les victimes en période de crise sanitaire 

Selon les données disponibles, il y a eu une diminution du nombre de victimes identifiées dans certains états signataires dans la première partie de l’année 2020. Dans un premier temps, ce phénomène a été attribué à une diminution effective des personnes exploitées en raison des mesures de confinement et de la fermeture des frontières. Cependant, sur l’ensemble de l’année, le nombre de victime identifiées redevient similaire à celui de 2019. 

Il semble donc qu’en période de crise sanitaire, les mesures de confinement ont rendu difficile l’intervention des services sociaux et des associations, freinant l’identification des victimes de traite. 

La transformation des modes d’exploitation pour s’adapter au contexte de pandémie mondiale

Le rôle majeur d’Internet 
Compte tenu des mesures de confinement, de la fermeture des frontières et des hôtels, l’exploitation sexuelle s’est virtualisée sur Internet, essentiellement à travers le Live Streaming, permettant de commander des prestations sexuelles par WebCam interposées.

Internet a également été une opportunité exploitée par les réseaux pour recruter des mineurs plus exposés sur les sites de jeux ou les réseaux sociaux.

Un déplacement de l’exploitation sexuelle vers des lieux clandestins
Dans des pays comme l’Allemagne où l’Espagne où la prostitution est légalisée, les lieux officiels ont été fermés. 

La prostitution s’est alors tournée vers des lieux clandestins ou des appartements loues sur des plateformes numériques, entrainant notamment une aggravation des conditions d’exploitation et de la violence.

Intensification de l’exploitation par le travail intra-européenne
Dans un contexte difficile économiquement, le besoin de main d’œuvre peu coûteuse s’est accru. Par ailleurs, la fermeture des frontières a coupé les firmes internationales de leurs circuits de sous-traitance bon marchés dans les pays du sud.

Dans les secteurs qui sont restés ouverts (alimentation, agro-alimentaire, agriculture, textile…) le GRETA observe une réelle augmentation de l’exploitation par le travail impliquant des travailleurs étrangers européens en situation régulière.

Des victimes encore plus isolées

La mesures de confinement ont restreint l’accès à la prise en charge et à l’hébergement pour les victimes souhaitant sortir de l’exploitation. Parmi celles qui étaient déjà prises en charge, l’isolement et le manque de rapports humains ont fait ressurgir les traumatismes passés. 

Le GRETA constate une nette augmentation des troubles mentaux dans ce contexte, et donc un besoin d’accompagnement psychologique spécifique prenant en compte cette dimension.

Un accès difficile à la justice

La réduction des activités des tribunaux a entrainé un ralentissement des procédures en cours, et un retard dans l’accès des victimes à la justice et dans l’obtention des indemnisations.

L’impact socio-économique de la crise sanitaire 

Sur le long terme, les conséquences socio-économiques de la crise sanitaire risquent d’aggraver la pauvreté, le chômage, les inégalités, qui sont des facteurs importants favorisant la traite. 

Selon la Banque mondiale, la pandémie devrait faire basculer 88 à 115 millions de personnes supplémentaires dans l’extrême pauvreté en 2020. Ce chiffre pourrait atteindre 150 millions d’ici 2021 selon la gravité de la récession économique.

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Soutenir la société civile pour assurer la prise en charge des victimes en période de pandémie

En décembre 2020, l’équipe d’experts chargée de la coordination de l’Alliance de l’OSCE contre la traite des personnes (AECT) a publié une déclaration, cosignée par 20 organisations dont le Conseil de l’Europe, appelant les États à accroître leur soutien aux organisations de la société civile de lutte contre la traite.

Il prévoit : 

  • Une aide financière aux associations à long terme pour assurer la durabilité et la numérisation de leurs services. 
  • Un accès aux centres d’accueil et de rétention des migrants pour y procéder à l’identification et à l’orientation des victimes de la traite
  • Une meilleure coordination en ligne entre associations et institutions gouvernementales

Les dispositions du Conseil de l’Europe auprès des associations

En juillet, la Division de la lutte contre la traite des êtres humains du Conseil de l’Europe a lancé un appel à propositions des organisations de la société civile pour prévenir la traite et protéger les victimes dans le contexte spécifique de la pandémie de covid-19. 

Au total, 35 ONG de 20 États membres du Conseil de l’Europe se sont portées candidates. 

Les propositions couvraient les sujets suivants : 

  • Les recherches concernant l’impact de la covid-19 sur la lutte contre la traite ; 
  • La facilitation de l’accès des victimes à la santé, à un logement adéquat et à des services psychosociaux ; 
  • La facilitation de l’accès des victimes à la justice ; 
  • Des activités de sensibilisation. 

Le Conseil de l’Europe souhaite ainsi favoriser l’assistance directe aux victimes et leur inclusion économique et sociale tout en élargissant les connaissances sur la traite et les droits des victimes.

Télécharger le rapport


Article écrit en collaboration avec Petya Nestorova, Secrétaire Exécutive de la Convention du Conseil de l'Europe contre la traite des êtres humains.