Le Collectif « Ensemble contre la traite des êtres humains » demande aux pouvoirs publics davantage de détermination et de moyens dans la lutte contre la traite des enfants, en France.
La lutte contre toutes les formes de traite des êtres humains – qu’elle concerne les adultes comme les enfants - est essentielle.
Le 30 juillet 2015, a été célébrée la deuxième journée mondiale de la dignité des victimes de la traite d’êtres humains.
A cette occasion, le Collectif « Ensemble contre la traite des êtres humains » a choisi d’alerter sur la situation des enfants victimes de traite des êtres humains en France, en exigeant l’accès de tous les enfants au droit commun.
A travers ses 26 associations membres agissant sur le terrain, le Collectif connait nombre de cas d’enfants victimes de traite à des fins de servitude domestique, d’exploitation sexuelle ou encore de délinquance forcée. Tous ont un point commun : ils relèvent de l’enfance en danger. Or, leur protection, leur accompagnement et leur réparation, en tant que victimes, ne sont actuellement pas assurés par l’arsenal juridique existant.
Ainsi, un mineur victime de traite et contraint à commettre des délits devrait toujours être pris en charge dans le cadre de la protection de l’enfance et non considéré comme un délinquant.
Il ne devrait pas être enfermé. Un administrateur ad hoc devrait être systématiquement désigné afin d’introduire un lien durant toute la procédure judiciaire entre la jeune victime et l’institution. En cas de doute sur la minorité, la présomption de minorité devrait également être toujours respectée, au lieu d’essayer de soustraire du droit commun le mineur présumé ou encore de considérer tout enfant de 16 ans comme un danger.
Pour progresser dans la lutte contre la traite des êtres humains sous toutes ses formes, le Collectif « Ensemble contre la traite des êtres humains » demande donc aux pouvoirs publics :
- de se donner les moyens d’appliquer la loi en dotant la Mission Interministérielle en charge de la lutte contre la traite des êtres humains (MIPROF) de moyens financiers destinés notamment à soutenir de manière pérenne les associations dans leurs missions de repérage, d’accompagnement et d’accueil des victimes ;
- de renforcer les compétences des services administratifs quant à la prise en compte des victimes pour faciliter leur accès aux dispositifs de droit commun ;
- d’initier des échanges interdisciplinaires pour mettre en place des formations à ces questions adéquates et efficaces ;
- de sensibiliser le grand public à la lutte contre la traite des êtres humains ;
- de considérer la protection des victimes comme un levier essentiel de la lutte contre la traite des êtres humains.
Le 8 juin 2015, le Collectif « Ensemble contre la traite des êtres humains » a présenté au Comité des droits de l’enfant de l’ONU son « Rapport alternatif au cinquième rapport périodique de la France sur l’application de la Convention Internationale relative aux droits de l’enfant et de ses protocoles additionnel », intitulé plus précisément « La traite des enfants dans le contexte français.
Pour un accès de tous les enfants au droit commun ». Nourri des pratiques et observations de terrain diversifiées de ses associations, ce rapport alerte et interpelle les pouvoirs publics sur les difficultés qu’elles rencontrent au quotidien dans le travail de repérage, d’accompagnement et de protection des enfants victimes.
Rappelons que la traite des êtres humains est une violation des droits de l’Homme, qui concerne particulièrement les enfants et les femmes.
Selon l’Organisation Internationale du Travail (OIT), cette activité criminelle génère jusqu’à 27 milliards d’euros par an et sa croissance est plus rapide que celle du trafic d’armes ou de drogues. La traite des êtres humains vise en majorité l’exploitation sexuelle, le travail forcé, les pratiques analogues à l’esclavage, mais aussi la mendicité et le vol forcés ou encore le prélèvement d’organes.
Le Collectif « Ensemble contre la traite des êtres humains » créé en 2007, réunit 26 associations françaises, et mène des actions de terrain et de plaidoyer concernant toutes les formes de traite des êtres humains. Il s’appuie sur l’expérience d’acteurs diversifiés ayant des réseaux en France et à l’international.
Youssef - 16 ans.
Il a fui l’Egypte avec quatre compatriotes.
Alors qu’ils sont en errance en France, ils sont approchés par un homme qui leur propose de travailler sur un chantier.
Ils travailleront plusieurs mois, dormiront sur place, sans accès aux sanitaires, ne mangeant pas à leur faim.
C’est une future propriétaire qui découvre la situation et contacte une association spécialisée.
Youssef souhaite déposer plainte, la priorité est de lui trouver un hébergement, le fait qu’il ait plus de 16 ans et qu’il soit un garçon n’a pas permis une protection, d’autres plus jeunes étant prioritaires en l’absence de place d’hébergement. Sans cette garantie sécurisante Youssef craint de déposer plainte.
Malgré le fait que Youssef ait été identifié comme victime de traite, il devra se débrouiller seul en situation d’errance.
Dans l’hostilité et l’agressivité de la vie de la rue, Youssef pourrait être contraint par des adultes à commettre des actes de délinquance.
Carla, adolescente roumaine de 16 ans.
Elle est forcée à voler des téléphones portables pour le compte d’adultes : elle n’en tire aucun bénéfice si ce n’est d’avoir la vie sauve.
Bien que ses exploiteurs soient interpellés par les services de police, Carla ne sera pas pour autant protégée. Pire, non seulement elle sera recrutée par d’autres mais elle sera confrontée à une réponse institutionnelle inadaptée : être elle-même incarcérée, un temps avec des adultes.
Elle devra comparaitre devant le Tribunal pour vol de portable en même temps qu’un jeune soupçonné pourtant d’être partie prenante à son exploitation et sans qu’aucune précaution ne soit prise dans ses trajets notamment. Les éducateurs d’une association spécialisée parviendront à tisser des liens avec Carla. Au fil des rencontres elle réussira à formuler un souhait de protection à travers une demande d’hébergement.
Mais force est de constater que ces placements connaissent de nombreux manquements.
Comme en atteste le parcours de Salematou, une adolescente nigériane de 14 ans amenée en France pour être exploitée sexuellement.
Alors que les lieux d’exploitation sexuelle sont connus des services de Police, ce sont les éducateurs d’une association qui l’identifieront et l’accompagneront vers un foyer.
Il faudra attendre six mois pour qu’un administrateur ad hoc soit désigné. Durant cette période, l’identité de Salematou ne sera pas établie et il y aura de forte suspicion sur sa minorité. Elle sera expertisée, auscultée afin d’attester de sa minorité, véritable atteinte à son corps d’adolescente en mutation.
Elle changera cinq fois de foyer et ne pourra de fait s’inscrire dans aucun projet pérenne ni nouer des liens avec les équipes éducatives.
Alors que l’année suivante, sa situation se stabilise, elle est placée dans une chambre d’hôtel, seule, sans aucune explication. Livrée à elle-même, elle sera rapidement repérée par un jeune homme qui deviendra son proxénète et la mettra enceinte pour affirmer son emprise sur elle.