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Carences juridiques

L’esclavage est enraciné en France. Une réalité que le gouvernement ne semble pas prêt à affronter : les textes nationaux éludent le terme d’esclavage.

Au niveau international, les conventions évoquent les notions d’esclavage, de servitude, de travail forcé, ainsi que la traite des êtres humains.

« Le traité de Palerme, une convention sur le crime organisé signée en 2000 et ratifiée par la France, définit la traite des êtres humains comme le processus de déplacement d’une personne en vue de l’exploiter », explique Georgina Vaz Cabral.

Les textes internationaux ne fournissent que les grandes lignes, l’application de la convention en droit français nécessitant une traduction des notions en infraction pénale. C’est ce qui a été fait par la loi sur la sécurité intérieure de 2003.

Le problème de la définition retenue par cette loi est qu’elle introduit une condition supplémentaire à la conception internationale qui en dénature la teneur.

Alors que le protocole parle de processus de traite “aux fins d’exploitation”, le texte français ajoute : « pour mettre à la disposition d’un tiers », visant ainsi les seuls intermédiaires, mais non l’exploiteur lui-même. Il manque trois petits mots : « ou pour soi », regrette Zina Rouabah, directrice du CCEM (Comité contre l’esclavage moderne).

« En conséquence, certaines personnes réduites en esclavage ne peuvent être considérées en droit interne comme des victimes de la traite. C’est le cas aujourd’hui pour 90 % des personnes que notre association prend en charge. »

Interprétation pénale

Les imprécisions des textes français entraînent des difficultés pour les associations à faire reconnaître les faits d’esclavage. Pour pallier l’absence de dispositions pénales clairement définies, les articles 225-13 et 225-14 du Code pénal sont appliqués pour sanctionner les faits d’esclavage domestique.

L’un évoque l’exploitation : « Le fait d’obtenir d’une personne, en abusant de sa vulnérabilité ou de sa situation de dépendance, la fourniture de services non rétribués ou en échange d’une rétribution manifestement sans rapport avec l’importance du travail accompli », tandis que l’autre réprime un comportement attentatoire à la dignité humaine. 

Par ailleurs, l’une des requêtes du CCEM est la création d’un statut pour les victimes de l’esclavage moderne. Cela permettrait à ces dernières d’obtenir les moyens de se reconstruire en disposant d’un logement, d’un projet social. Aujourd’hui, pour pouvoir rester en France et entrer dans cette démarche de reconstruction, les victimes doivent impérativement porter plainte afin d’obtenir un titre de séjour durant la procédure. Ainsi elles doivent être assez fortes pour affronter une procédure judiciaire avant toute prise en charge sociale réelle.