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Joy

"Je m’appelle Joy j’ai 21 ans je viens du Nigeria. Mes parents sont des paysans. Quand j’étais petite je les aidais au champ, je ne pouvais pas aller à l’école. Ma grande sœur est allée travailler à la ville.

Un jour je devais lui emmener de la nourriture du village. C’est là qu’une dame est venue me voir et m’a demandé si je voulais aller travailler en Europe. Elle a dit que je m’occuperai des enfants de sa sœur et que je pourrai aller à l’école. J’avais 14 ans. Elle m’a dit de ne pas en parler à mes parents pour leur faire la surprise, que j’allais pouvoir leur envoyer de l’argent et qu’ils allaient pouvoir vivre mieux.

Elle m’a ensuite emmenée dans une maison et c’était bien. Je pouvais manger, me reposer, les gens étaient gentils. Dans cette maison il y avait un monsieur, il s’est occupé de faire les papiers du voyage en avion. Il m’a fait un passeport, je ne savais pas lire et je n’avais jamais eu de passeport. Ils m’ont juste dit qu’il fallait que je dise que je m’appelais Vera et que j’avais 18 ans.

Je suis arrivée par avion en Italie, après nous sommes partis en voiture en Belgique. Là je suis restée une semaine chez la sœur de la dame que j’avais rencontré au Nigeria. Puis j’ai pris un train pour Nice. Une autre dame était là, elle m’a dit que c’est avec elle que j’allais travailler. Je m’inquiétais pour mes parents car ils devaient avoir peur comme je n’étais pas rentrée au village depuis plusieurs semaines. Dès le premier jour je suis allée dans un appartement il y avait d’autres filles. La dame m’a donné des habits et m’a dit que je devais aller travailler dans la rue comme prostituée. J’étais choquée, je ne savais pas quoi faire je ne savais même pas où j’étais j’avais peur. J’ai fait ce qu’elles m’ont dit. C’est là que le cauchemar a commencé.

Je devais payer l’appartement, la place du rond-point pour se prostituer et donner l’argent à deux autres Madame car ma Madame était partie en Espagne. Pendant un an et demi je travaillais tous les jours. Elles m’ont donné du cannabis à fumer et de l’alcool. Aujourd’hui encore je fume du cannabis.

Un jour ma Madame est revenue et comme je n’avais pas emmené assez d’argent elle m’a frappé j’ai pu courir dans la rue elle m’a suivi et c’est là que des gens ont appelé la police. La police est arrivée et est montée dans l’appartement où il y avait d’autres filles j’ai pu prendre quelques affaires et partir. Ensuite je suis allée au commissariat et la police m’a dit de revenir un autre jour car ils ne parlaient pas l’anglais. Je suis restée dehors et un monsieur est venu me voir, c’était un ancien policier à la retraite il a appelé une association. J’ai revu une personne d’une association que j’avais déjà vu dans la rue. Elle m’a ramenée à la police c’est là que j’ai pu raconter mon histoire. J’ai montré les photos des dames et eux aussi m’ont montré une photo, c’était la même dame j’ai pu les reconnaître et donner son numéro de téléphone.

Je suis allée dans un foyer et après dans un foyer pour enfants à Marseille. J’étais vraiment triste et fatiguée. Je pleurais beaucoup et je ne pouvais pas parler aux éducateurs. J’ai réussi à raconter mon histoire plusieurs mois après être arrivée à un éducateur, il m’a emmené voir l’association OICEM lorsque j’ai raconté mon histoire ils m’ont emmené voir un avocat, j’ai pu aussi avoir des cours de français, faire des activités avec l’association et rencontrer une dame, une psychologue avec qui j’ai pu parler de mes problèmes. J’avais souvent des rendez-vous et à chaque fois l’association essayait de savoir où en était ma plainte à la police.

Un jour la police espagnole m’a contacté pour me dire que ma grande sœur qui avait disparu du Nigeria avant moi était prostituée avec la même madame en Espagne. C’est ma sœur qui était allée voir la police espagnole car le madame ne voulait pas la laisser partir alors qu’elle avait remboursé sa dette alors là madame lui a montré des photos de moi en disant que si elle refusait de continuer à travailler elle me ferait du mal.

Moi j’ai remboursé 24 000 € de ma dette de 60 000 €… Cette année au mois de juin l’association m’a appelé pour me dire que la police avait arrêté deux madame. L’association m’a dit que c’était la plainte d’une autre personne en 2020 qui a pu arrêter les personnes, mais mais pas ma Madame qui m’a fait venir. Dans la plainte de 2020 la fille dit les mêmes choses que moi, la même adresse d’appartement, les mêmes noms, les mêmes prix que moi dans ma plainte en 2016. Je suis allée au procès et j’ai pu raconter mon histoire j’ai revu les deux madame j’ai dit à la Juge que c’était à elle à qui je donnais l’argent. Je suis déçue que la madame qui m’a fait venir ne soit pas en prison. J’avais peur mais j’étais soulagée après toutes ces années… Les madame qui m’ont fait du mal vont rester six ans en prison.

Aujourd’hui, je vais à l’école pour finir une formation en Cuisine je travaille dans un restaurant. Ma famille me manque, mon père est mort une semaine avant le procès. Il était malade. Je n’ai pas encore pu faire de passeport avec ma vraie identité alors je n’ai pas pu aller le voir et je ne peux toujours pas aller voir ma mère. L’association m’aide avec le passeport. Elle m’aide aussi pour trouver un logement car j’ai eu 21 ans un jour avant le procès. J’ai dû déménager et c’est difficile de trouver un appartement quand on est en contrat d’apprentissage. En plus comme je travaille dans un restaurant il faut trouver un hébergement pas loin de mon travail comme je termine tard le soir. Mais ça va je suis contente d’avoir déposé plainte et de savoir que ces personnes ne pourront pas faire de mal à d’autres filles comme moi."