Dans le cadre de la commission départementale de lutte contre le système prostitutionnel, dont l’un des axes de travail est la sensibilisation, 168 personnes se sont retrouvées à la Maison des Associations de Grenoble pendant 2 jours en juin 2023. Celles-ci qui accompagnent des personnes victimes de traite des êtres humains, agissent au quotidien dans différents secteurs : l’accompagnement au droit au séjour, l’asile, la parentalité, la protection de l’enfance, le soin psychique ou physique, l’hébergement, l’accueil, l’information sur les droits, la justice.
La rencontre était organisée par l’Amicale du Nid avec la délégation aux droits des femmes et à l’égalité des chances d’Isère.
Il s'agissait de donner un éclairage de l’identification à la prise en charge et l’accès aux droits des victimes de traite des êtres humains à des fins d’exploitation sexuelle.
Chacun et chacune pouvait ainsi s'informer sur les pratiques des divers partenaires et institutions au niveau départemental, national et international, et comprendre les freins et les leviers possibles du fait des moyens déployés, des modalités de prises en charge, des difficultés des victimes, et des stratégies des réseaux.
L'évidence de la nécessité d'une collaboration "institutions / associations"
Ce colloque a permis de montrer les collaborations opérées à Grenoble et à Paris centrées sur l’accompagnement de la victime malgré un manque de moyens et de cadre conventionnel et une certaine rigidité institutionnelle. Les divers intervenants.es ont souligné que la crainte d’instrumentalisation par des « fausses victimes », des proxénètes que relèvent les institutions étaient infondées et en tout cas très résiduelles. En ce sens, les intervenants partageaient qu’une plus grande collaboration, et les interconnaissances entre institutions et associations étaient essentielles pour agir efficacement au plus près des victimes.
L’importance de prendre en compte les identifications non formelles faites par les associations spécialistes ou non de la traite des êtres humains à des fins d’exploitation sexuelle, et la nécessité d’une proactivité dans la protection des victimes par la mise à l’abri et la levée des droits sont apparues évidentes.
Monsieur le Procureur de la République du Tribunal Judiciaire de Grenoble a partagé la difficulté pour ses équipes de police en sous-effectif et avec une forte charge d’affaires en cours d’entendre, comprendre les victimes et aussi d’engager des enquêtes au regard des éléments partiels et transnationaux des faits dans les plaintes. Il a exposé le travail mené par la commission départementale sur la prostitution des mineurs et mineures, qui a ouvert une cellule de suivi des situations qui réunit les institutions (forces de l’ordre, Département, Education nationale) et associations (prévention, foyer, Amicale du Nid et ALTHEA L’Appart). Cet exemple de collaboration augure peut-être une cellule pour les victimes majeures.
Ces 2 journées se sont conclues sur l’importance de continuer ce travail en développant les moyens : repérer, comprendre, protéger les victimes et ce, en prenant en compte la temporalité nécessaire au regard des nombreux traumatismes et des formes d’emprise.
Paroles de participants et participantes
J’ai apprécié la qualité des interventions proposées, les temps d’échanges sur les différentes expériences professionnelles, la découverte de certaines associations que je ne connaissais pas...
Ces 2 journées ont été pour moi enrichissantes humainement et professionnellement, éclairantes, également révoltantes
J’en retiens que cet événement a permis un temps de réflexion, d’analyse sur un sujet au combien complexe. Tout ceci participera je n’en doute pas à l’élaboration de nouvelles pratiques, d’encore plus de lien partenarial au profit des personnes que nos associations accompagnent.
L’Amicale du Nid
L’Amicale du Nid (AdN) est une association qui compte 75 ans d’engagement auprès des personnes en situation de prostitution, victimes du système prostitutionnel, du proxénétisme et de la traite des êtres humains à des fins d’exploitation sexuelle pour un accompagnement vers la sortie. C’est une association laïque, indépendante de toute organisation ou parti. Ses principes sont l’égalité entre les femmes et les hommes, la non-patrimonialité du corps humain qui ne peut être considéré comme un bien ou une marchandise, la dignité de la personne humaine visant à garantir son intégrité physique et psychologique contre toute atteinte extérieur.
L’association est présente sur 15 départements et compte plus de 200 professionnel.les qualifié.es et régulièrement formé.es. Elle inscrit son action dans un continuum au service de la prévention et de la lutte contre le système prostitutionnel :
Le plaidoyer ;
action spécifique d’aide aux victimes d’infractions pénales : accompagnement juridique dédié, constitution de partie civile, chiffrage des préjudices
La prévention, la sensibilisation, la formation (l’AdN est organisme de formation), des diagnostics territoriaux, des recherches-actions, des missions mineur.es sur 5 départements : 1 500 professionnel.les sensibilisé.es et formé.es et 400 jeunes rencontré.es en intervention de prévention par an ;
L’aller-vers : 3 300 personnes rencontrées dans l’espace public, 1 700 sur Internet ;
L’accompagnement social global personnalisé : 4 500 personnes accueillies, 1 400 accompagnées ;
L’hébergement et le logement accompagné avec plus de 480 places : plus de 1 300 personnes hébergées ou logées par an (dont plus d’1/3 d’enfants).
L’adaptation à la vie active avec deux ateliers d’adaptation à la vie active (AAVA) comptant 38 places avec près de 90 stagiaires par an.
Article rédigé avec Lyad Khaski, chargé de communication à l’Amicale du Nid
