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Inciter la société française à se mobiliser contre la traite des êtres humains à des fins d’exploitation par le travail

Il s’agit d’un phénomène qui se rencontre dans le monde entier. Très difficile à déceler, il reste méconnu en France. Une forte mobilisation de l’État et de l’opinion publique est nécessaire aujourd’hui.

Les mécanismes de l’esclavage moderne

Les victimes sont le plus souvent des personnes étrangères vulnérables que l’on fait venir en France avec la promesse d’un travail rémunéré. Une fois sur place, passeport confisqué, elles sont soumises à des horaires de travail extrêmement lourds et confrontées à des conditions de travail et d’hébergement contraires à la dignité humaine. Elles peuvent aussi être l’objet de maltraitances psychologiques et physiques. 

Les victimes sous l’emprise de leur employeur, mal nourries et privées de la liberté d’aller et venir, sont invisibles.

L’exploitation par le travail concerne également des personnes françaises, particulièrement vulnérables, notamment en raison d’une déficience intellectuelle ou d’un handicap.

Les exploiteurs ont tous les pouvoirs sur le travailleur. Ils exploitent sa vulnérabilité et son isolement : méconnaissance de la langue et/ou du pays, ignorance de leurs droits, peur inculquée de la police… 

N’ayant nulle part où aller et en situation de faiblesse, les victimes ne peuvent pas s’extraire de leur situation.

Secteurs

Un phénomène invisible et mal reconnu en France

Favoriser la détection des situations d’exploitation
Une des problématiques de la lutte contre l’esclavage moderne est la détection des situations d’exploitation par le travail. Les victimes n’ont pas de contacts extérieurs. L’exploitation et l’emprise s’exercent à l’abri des regards.

L’identification des situations d’exploitation doit s’articuler autour d’un mécanisme national reposant sur des critères spécifiques. Les associations doivent avoir leur mot à dire

Former le personnel judiciaire
Les autorités françaises n’ont pas encore saisi l’ampleur de la traite à des fins d’exploitation par le travail. Contrairement à certains de nos voisins européens, la Belgique par exemple, qui a développé des moyens de lutte efficaces depuis plusieurs années.  

Il est donc nécessaire de former et d’informer le personnel judiciaire sur ces formes cachées de traite des êtes humains et sur leurs mécanismes afin d’améliorer le travail d’enquête, la pertinence des procès, et la prise en charge des victimes.

Sensibiliser l’opinion publique. 
Cette exploitation par le travail existe sur tout le territoire, dans les villes, les banlieues, le monde rural. Chacun doit être attentif pour pouvoir repérer une situation d’exploitation et prévenir la police ou une association

Il apparaît pertinent d’imaginer une campagne d’information nationale sur l’exploitation par le travail portée par les pouvoirs publics pour sensibiliser les consciences sur l’ampleur du phénomène et mobiliser la société pour l’enrayer.

Solutions

La nécessité d’un engagement politique de la France

La France doit s’engager dans une politique proactive de lutte contre la traite à des fins d’exploitation par le travail rattachée au premier ministre, afin de mettre en place des moyens efficaces pour combattre cette forme d’esclavage moderne.

Améliorer la prise en charge, l’accompagnement, et in fine, l’insertion des victimes
Aujourd’hui, c’est la société civile qui prend en charge la protection et l’accompagnement social, juridique, psychologique et sanitaire des victimes, avec pour objectif leur reconstruction et leur intégration.

Un engagement politique fort de la France dans ce domaine aiderait les associations spécialisées dans la traite à des fins d’exploitation par le travail et ouvrirait la voie à des initiatives publiques destinées à protéger et accompagner les victimes.

Développer des solutions d’hébergement pour accueillir les hommes victimes de traite
L’hébergement des victimes reste une question cruciale. Les quelques structures d’accueil spécialisées réservées aux femmes se retrouvent souvent saturées. Mais le problème est encore plus aigu en ce qui concerne les hommes qui, une fois sortis d’exploitation, risquent de rester à la rue et de retomber dans une nouvelle exploitation. 

Il est donc nécessaire de développer des structures d’accueil spécifiques afin que les victimes de toutes les formes d’esclavage moderne bénéficient d’un hébergement sécurisé

Quelques procès récents

6 juillet 2020

Cour d’appel de Montpellier, Procès d’une famille fortunée, condamnée en première instance à 18 mois de prison avec sursis et 20 000 € d’amende pour l’exploitation d’une femme à des fins de servitude domestique en 2014. Les auteurs et la victime sont originaires d’Afrique de l’Ouest. Cette dernière n’avait pas l’autorisation de sortir et son passeport avait été confisqué par la famille. Elle travaillait dans des conditions de travail et d’hébergement indignes. Jugement en septembre

Les 1,2 et 3 juillet 2020

Un procès d’envergure a eu lieu à Reims. Il concernait l’exploitation de 125 saisonniers dans les vignobles de Champagne. La procureure a requis 3 et 2 ans de prison fermes à l’encontre des gérants d’une société viticole pour traite des êtres humains, avec 10 ans d’interdiction de gérance, et des peines allant d’un an de prison ferme à 6 mois avec sursis pour les autres prévenus. Les travailleurs provenaient de différents pays, dont l’Afghanistan. Les sociétés viticoles les avaient recrutés dans des camps de migrants à Paris et d’ailleurs.
Jugement le 11 septembre

Le 3 juillet 2020

Le tribunal de grande instance de Paris a condamné une très riche artiste Saoudienne à trois ans de prison ferme. Elle a été reconnue coupable de traite des êtres humains sur des personnes soumises à des conditions de vie et de travail contraires à la dignité humaine. Les victimes étaient trois femmes érythréennes, esclaves domestiques travaillant 11 à 15h / jr, sans congé, avec une rémunération dérisoire, peu ou mal nourries. Leurs passeports avaient été confisqués. So avocat a fait appel.

Le 21 octobre 2019

A Nanterre, un couple de Burundais, de très haut niveau social, a été condamné à 2 ans avec sursis et 3 ans de mise à l’épreuve et 70 000€ d’amende pour avoir exploité pendant plus de dix ans un homme également burundais. Ce couple avait déjà été devant les tribunaux dans les années 2000 pour un dossier similaire concernant l’exploitation de deux jeunes filles. Cette affaire avait abouti devant la Cour Européenne des Droits de l’Homme où la France avait été condamnée en octobre 2012 pour ne pas avoir permis à ces jeunes filles de bénéficier d’un procès conforme à ses engagements internationaux. Moins d’un an plus tard, l’esclavage, le travail forcé et la servitude sont entrés dans le code pénal par la loi du 5 août 2013. Leur avocat a fait appel 

En septembre et octobre 2020 neuf procès concernant l’exploitation par le travail vont s’ouvrir devant différentes juridictions.

Le Comité Contre l’Esclavage Moderne- CCEM

Depuis 1994, le CCEM dénonce toutes les formes d’esclavage contemporain partout dans le monde. Il assure un accompagnement social et juridique des victimes de travail esclave, et de traite à des fins économiques. Fort de cette expertise, le CCEM forme et sensibilise les professionnels et le grand public et participe aux instances nationales et européennes pour améliorer les pratiques et la mise en application des lois et des politiques contre la traite.  En 25 ans, le CCEM a accompagné plus de 850 victimes au niveau national.
Le CCEM est membre du Collectif  "Ensemble contre la Traite des êtres humains".


Article écrit en collaboration avec Sylvie O’Dy, présidente du CCEM

Pour en savoir plus : www.esclavagemoderne.org