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Traite des êtres humains et Déclaration universelle des Droits de l’Homme

La traite bafoue une vingtaine d’articles de la Déclaration Universelle des Droits de l'Homme (DUDH)

En novembre 2017, une journaliste de CNN surprenait la vente de migrants africains en Lybie.
Largement diffusé, ce reportage a mis le monde en émoi… Mais l’émotion est un mouvement passager ; un nouveau scoop chasse le précédent. Pour ne pas en rester à l’émotion, pour que la réaction ne reste pas stérile, celui ou celle dont le cœur a été touché doit vouloir faire quelque chose, puis « passer de la volonté à l’effet » (1).

Art 4
Nul ne sera tenu en esclavage ni en servitude, l’esclavage et la traite des esclaves sont interdits sous toutes leurs formes.

La sécheresse de la définition officielle du Protocole de Palerme nous ferait presque passer à côté de la situation concrète des personnes réduites en esclavage.
Ce ne sont pas des cas isolés, propres à des contrées éloignées de notre pays. Mais les voyons-nous ? La jeune femme qui fait le ménage dans un appartement de l’immeuble proche jouit-elle de tous ses droits ? Elle pourrait avoir cru en de belles promesses et se retrouver à travailler 20 heures sur 24, sans papiers, ni salaire, dans des conditions de vie inhumaines…
Sait-on ce que subissent ces personnes dans leur parcours et les circonstances les ayant amenées à « tomber » dans ces réseaux mafieux ? Ces réseaux n’ont qu’un but : procurer aux trafiquants beaucoup d’argent, grâce à cette « marchandise » qu’est pour eux la personne humaine, marchandise à bas coût, que l’on peut revendre plusieurs fois...

Art. 1
Tous les êtres humains naissent libres et égaux en dignité et en droits. Ils sont doués de raison et de conscience et doivent agir les uns envers les autres dans un esprit de fraternité.

 

Vivre dans des familles en-dessous du seuil de pauvreté, à l’avenir sombre, est un facteur de risque
Vouloir s’en sortir peut conduire à s’exposer à ceux qui guettent des victimes potentielles. Éradiquer la grande pauvreté, permettre de vivre une « vie décente » (2), c’est le combat premier, porté aux racines du mal, pour ne pas tomber aux mains des trafiquants ou des « lover boys ».
Car le risque est grand de se laisser piéger dans un cycle infernal ! Il faut beaucoup d’énergie et à celle (celui) qui veut s’en sortir, et à ses accompagnateurs, pour tout reprendre, presque à zéro : suivi post-traumatique, éducation, formation, emploi, vie sociale…. Comment aider les plus vulnérables à secouer le joug d’une double peine : la douleur de la Traite et une certaine indifférence de la plupart des citoyens ?

Art. 2
Chacun peut se prévaloir de tous les droits et de toutes les libertés proclamées dans la présente Déclaration, sans distinction aucune, notamment de race, de couleur, de sexe, de langue, de religion, d'opinion publique... De plus, il ne sera fait aucune distinction fondée sur le statut politique, juridique ou international du pays ou du territoire dont une personne est ressortissante...

Le droit à une vie libre et sûre : un combat contre l’indifférence

L’article 3 énonce pour « tout individu » un tel droit.
Mener une existence « normale » ne permet pas toujours de nous sentir libre et de l’être. Que dire alors de qui se trouve entraîné dans l’enfer de la dépendance à l’égard des trafiquants ? Par tous moyens, ces derniers gardent les personnes sous leur coupe : persuasion, séduction, privation des papiers d’identité, menaces sur la famille, isolement, lien de la dette, enfermement, violence… Resterions-nous indifférents s’il s’agissait d’un(e) proche, sans nous indigner et mettre tout en œuvre pour l’en sortir ?

Art. 3
Tout individu a droit à la vie, à la liberté et à la sûreté de sa personne.

Le droit à la reconnaissance : un combat contre le déni

« Le petit ami d’Anne l’attend à la sortie du collège, comme les autres jours, et la présente à un ami. Ils boivent tous les trois, mais du somnifère a été mis dans le verre d’Anne. Endormie, elle est emmenée chez un « client » puis jetée à la rue… » (3).

Cette histoire s’est passée à Paris. De nombreuses jeunes s’y retrouvent esclaves domestiques : promesses non tenues, confiscation de l’argent gagné. Inimaginable « dans un pays civilisé, avec un Code du travail… » ! Et pourtant...

Article 25 1.
Toute personne a droit à un niveau de vie suffisant pour assurer sa santé, son bien-être et ceux de sa famille, notamment pour l'alimentation, l'habillement, le logement, les soins médicaux ainsi que pour les services sociaux nécessaires.

Le droit pour toutes les victimes : un combat de longue haleine

Ce combat dure : il n’est pas simple de parcourir les étapes de la réinsertion, de les accompagner.
Ces parcours ne peuvent être linéaires : craintes des menaces du « juju » sur elles-mêmes et sur la famille, obligation de rembourser une « dette », rechute dans les mailles du réseau, obligation de se cacher, de s’éloigner quand on a réussi à fuir, lenteur du processus de réinsertion, conduites post-traumatiques, apprentissage d’une langue ou d’un métier, socialisation… Ce qui permet aux personnes de se reconstruire, c’est le compagnonnage au cours duquel elles réapprennent à vivre comme des êtres humains à part entière.

Le droit à l’éducation : un combat pour le respect des libertés

Prenons le cas des filles. Lorsqu’elles vont un an de plus à l’école, l’exploitation diminue de 10 % !
L’existence même de la Traite prouve, s’il en est besoin, le lien entre analphabétisme et exploitation. Nombreuses sont celles qui arrivent en France avec un bagage minimum de connaissances, à tout niveau. Elles n’ont pas eu les moyens de faire face à des sollicitations fallacieuses dans leur pays. Elles sont tout aussi démunies en arrivant dans un pays étranger, dont elles ne connaissent ni la langue, ni les usages.

Art 26
Toute personne a droit à l'éducation... L'éducation doit viser au plein épanouissement de la personnalité humaine et au renforcement du respect des droits de l'homme et des libertés fondamentales…

 

1. Saint Jean Eudes, OC VIII, 53-55.
2. Au sens des ODD (Objectifs de Développement Durable) : https://www.ecologique-solidaire.gouv.fr/ODD.
3. Voir toute l’histoire : https://www.secours-catholique.org/actualites/invisibles-un-film-pour-denoncer-la-traite-des-enfants

NOTRE-DAME DE CHARITE DU BON PASTEUR

Notre-Dame de Charité du Bon Pasteur (fondée en 1385 par Ste M. Euphrasie Pelletier) est une congrégation internationale (74 pays) au service des femmes et des enfants les plus vulnérables qui travaille avec d'autres engagées contre la traite des êtres humains  ; et  avec le Collectif "Ensemble contre la traite des êtres humains" notamment ; et avec RENATE au niveau européen.

Elle est depuis longtemps ONG auprès de l'ECOSOC (Conseil économique et social au cœur du système des Nations Unies) avec un Bureau Justice et Paix.

Elle gère également depuis 10 ans la Fondation Bon Pasteur International pour soutenir des programmes en Afrique, en Asie et en Amérique Latine (financement, renforcement des capacités, développement organisationnel).


Sr. Marie-Hélène Halligon, Notre Dame de Charité du Bon Pasteur