Chaque année, l’OICEM enlien avec des associations et foyers de l'enfance organise des ateliers « citoyenneté » à destination de mineurs isolés qui ont été victimes de traite lors de leur parcours migratoire. L’objectif principal est de leur donner les clefs pour s'intégrer dans la société, en France, afin qu’ils puissent s’en saisir avant leur entrée dans la majorité.
En juillet 2021, 8 mineurs non accompagnés provenant du Mali, du Sénégal, de la Côte d’Ivoire et de Guinée ont participé à l’atelier « Citoyenneté ». Tous ont subi l’exploitation par le travail en Lybie ou en Italie et sont arrivés récemment en France. Ils sont dans une situation d’isolement et de vulnérabilité importante même s'ils bénéficient d'une ordonnance de protection et sont pris en charge par une association en hotel ou en foyer de l'enfance.
Les activités proposées tentent de leur donner les moyens de se préserver des risques de ré-exploitation et de trouver leur place dans une société française qu’ils méconnaissent afin de se préparer à entrer dans la majorité.
Devenir un citoyen autonome
L’atelier « citoyenneté » s’adresse à des mineurs isolés socialement et sans entourage familial. Il a pour but de décoder le fonctionnement de la République Française afin de pouvoir s’y intégrer de façon autonome à l’aube de leur majorité.
Pour ces jeunes livrés à eux-mêmes et arrivés en France depuis quelques mois après un long parcours migratoire au cours duquel ils ont connu la traite, cet apprentissage passe par le questionnement des contextes dans lesquels ils ont vécu, de leur environnement immédiat et de leur perception de la société française.
Ils seront alors en capacité de se situer par rapport à elle et de s’intégrer culturellement et socialement.
L’atelier s’organise autour de temps ludiques et d’information. Il amène les participants à prendre du recul par rapport aux situations qu’ils ont traversées et les invite à s’approprier le nouveau contexte sociétal dans lequel ils sont afin de se construire un nouvel avenir loin de la traite.
Vivre dans une République démocratique
Une atmosphère conviviale et participative se tisse au fil des jours. Au fur et à mesure de l’atelier, chacun trouve sa place et s’affirme dans le groupe, exprime son propre point de vue et mobilise sa subjectivité.
C’est une première expérience « grandeur nature » qui leur permet d’appréhender ce que signifie « être citoyen » dans une république démocratique.
Interroger les différences culturelles
En début d’atelier, chacun se présente et évoque son parcours à l’aide d’un globe. L’idée est de matérialiser devant le groupe d’où ils viennent et ce qu’ils ont traversé.
C’est une première approche qui permet de parler des différents contextes culturels qu’ils ont connus et des interrogations que cela a suscité.
Cette année, la sortie à Notre Dame de la Garde a permis d’aborder l’histoire chrétienne de la ville. La plupart des participants étant musulmans, cette visite a soulevé des questions sur les différences culturelles en lien avec la religion.
Ce fut également l’occasion d’expliquer les raisons du choix de la laïcité dans la république française et ce que cela implique pour chaque citoyen.
Le 14 juillet a suscité des d’échanges sur la naissance de la république française et sur le rôle de citoyen dans ce contexte. Chacun a également pu évoquer les fêtes nationales de son pays d’origine et les confronter avec celles de la France.
Appréhender les droits et devoirs du citoyen
En abordant la question de la liberté individuelle, les participants ont pu interroger les privations de liberté et l’emprise qu’ils ont vécu lors de l’exploitation, mais aussi certaines coutumes de leur pays d’origine comme le mariage forcé.
C’est un pas important avant leur entrée dans la majorité qui leur permettra de s’approprier leurs droits mais également de respecter ceux d’autrui.
L’actualité sur les manifestations antivaccin a permis d’évoquer le sens des mouvements citoyens. Les participants ont pu prendre conscience qu’en France, tout citoyen à le droit de ne pas être d’accord avec le gouvernement et de l’exprimer.
Chaque jeune a ainsi pu appréhender ce que ce droit pouvait impliquer comme contraintes et opportunités dans sa propre vie.
Une première approche du vote et du débat démocratique
Les journées étaient rythmées par des activités ludiques à l’intérieur de l’association et des sorties dans Marseille. Chaque jour, les participants devaient voter pour choisir l’activité qu’ils souhaitaient effectuer.
Ils ont ainsi exercé leur libre arbitre en s’initiant au débat démocratique et à l’expression de leur opinion personnelle.
Questionner le rapport à l’autre et ses frontières
L’activité théâtre, animée par une comédienne américaine, proposait aux participants de travailler sur la question des frontières. Il s’articulait autour de jeux d’expression visant à matérialiser les frontières de l’autre et à se positionner par rapport à celle-ci.
Tout en mobilisant la créativité de chacun, ces exercices ont permis de questionner le rapport à l’autre et le respect de ses limites.
Sensibiliser à l’engagement citoyen
Une dégustation de chocolat garanti « sans esclavage » était proposée lors de l’atelier. Elle a permis d’évoquer l’engagement citoyen et les gestes que chacun peut effectuer pour favoriser la liberté de tous.
Ces échanges ont débouché sur des propositions concrètes d’actions citoyennes en lien avec des problématiques concrètes proches du quotidien des participants ou de ce qu’ils ont connu dans leur culture d’origine.
La sensibilisation aux droits, aux devoirs et aux rôles de citoyen dans la république française ouvre aux participants les portes d’un autre avenir au sein duquel la liberté individuelle permet de redevenir le sujet de sa propre vie.
L’OICEM Organisation Internationale Contre l’Esclavage Moderne
Outre l’accompagnement de personnes victimes de traite exploitées en France et en Europe, l’OICEM développe depuis plusieurs années une assistance aux personnes mineures et majeures qui ont été victimes de traite, d’esclavage, de travail forcé, durant leur parcours migratoire.
L’OICEM offre notamment un soutien psychologique spécialisé et vient en appui aux équipes professionnelles et bénévoles qui sont de plus en plus confrontées à des récits relatant ces faits de traite et d’esclavage.
Article écrit en collaboration avec Nagham Hriech Wahabi, psychologue clinicienne et directrice de l’OICEM