
Marcela, une travailleuse sociale de la congrégation des adoratrices à Bogota, a effectué un séjour d’immersion en France entre mars et avril 2025 dans le cadre d'un projet de coopération Franco-Colombien .
Nicolas Bezin : Quel rôle as-tu en Colombie ?
Marcela : La Congrégation des adoratrices est spécialisée dans l’accompagnement des femmes en situation de prostitution ou de traite. Pour ma part, j’effectue des maraudes dans les zones sensibles pour établir un premier contact avec les victimes et je les accueille dans nos centres d’écoute. Ensuite, pour celles qui le souhaitent, je les aide à s’orienter dans un nouveau projet professionnel et je leur propose un accompagnement individuel et / ou familial pour favoriser leur reconstruction et la réussite de leur insertion.
N. B. : Quel était le rôle de ton séjour en France ?
M. : C’est avant tout de connaitre la réalité des victimes de traite colombiennes ici en France dans le but d’être en mesure de leur assurer un retour sécurisé au pays, adapté à leur situation.
En plus d’un parcours de formation en Colombie, ces femmes ont besoin d’un lieu sécurisé où vivre à leur retour pour les préserver de la précarité et les protéger des menaces de la traite.
Il nous faut travailler sur les solutions d’hébergement en Colombie si nous voulons assurer la réussite des retours au pays de ces femmes.
N. B. : Qu’as-tu fait lors de ce séjour en France ?
M. : J’ai eu l’occasion de rencontrer différents partenaires publiques ou associatifs qui travaillent sur le sujet de la traite : l’OCRTEH, le foyer AFJ, la Mission d'intervention et de sensibilisation contre la traite, les captifs, le sénat, le Comité Contre l’Esclavage Moderne... Cela m’a permis de voir comment les acteurs français luttaient contre la traite. J’ai également formé les agents consulaires de la Colombie sur l’identification et l’orientation des victimes.
N. B. : Qu’as-tu apporté aux agents consulaires lors de ces formations ?
M. : Mon expérience en Colombie m’a donné une connaissance approfondie des facteurs à prendre en compte dans la relation avec une personne victime de traite. Dans l’échange, certaines femmes peuvent réagir de façon agressive, ou au contraire se murer dans le silence, en raison de l’anxiété ou de la dissociation générée par des traumatismes complexes. Il est donc nécessaire de savoir gérer ces situations pour garder le lien avec la personne et identifier les situations de traite au regard de ces symptômes.
Cela requiert une disposition d’esprit guidée par l’écoute active et l’empathie, afin de pouvoir repérer les indices relatifs à une situation d’exploitation. C’est ce que j’ai essayé de transmettre aux agents consulaires.
N. B. : Quelles sont tes observations suite à cette période passée en France ?
M. : En France, un grand nombre d’institutions sont concernées par la lutte contre la traite. Je note, entre autres, que les membres de l’OCRTEH sont formés à l’identification et la connaissance des victimes de traite. En revanche, ce n’est pas le cas de tous les corps de force de l’ordre. C’est alors un problème dans l’accueil, la considération et l’identification des victimes. Par ailleurs, les initiatives de la société civile, comme le foyer AFJ, permettent aux victimes d’être mises à l’abri dans un lieu sûr. Ces structures jouent un rôle très important pour les femmes dans la perspective de leur stabilisation, leur reconstruction et leur réinsertion.
N. B. : Que retiens-tu de ton séjour en France en prévision de ton retour en Colombie ?
M. : En France, l’approche multiculturelle permet de travailler avec des publics originaires de différents pays. En Colombie, nous avons un peu de mal à travailler avec les femmes étrangères, notamment Vénézuéliennes.
Nous pourrions nous inspirer de cette approche et des outils utilisés en France pour adapter nos processus d’accompagnement aux cultures de l’ensemble des publics que nous rencontrons.
L'association AFJ
C’est une association comprenant un foyer de mise à l’abri de 14 places et un appartement de 3 places à destination des femmes victimes de traite à des fins d’exploitation sexuelle.
Elle propose un accompagnement global des victimes : mise à disposition d’un hébergement, suivi administratif (ouverture des droits et régularisation administrative), suivi psychologique, actions éducatives d’insertion (apprentissage du français, accompagnement d’insertion professionnelle). Des activités sont proposées aux femmes au sein du foyer.
L’Accompagnement est effectué par une équipe de professionnels et des bénévoles.
Article écrit en collaboration avec Marcela, travailleuse sociale de la congrégation des adoratrices à Bogota, accueillie par l'AFJ