La traite des êtres humains est aujourd’hui un fléau qui se développe dans l’Union européenne comme à l’échelle mondiale. Elle prend différentes formes : exploitation sexuelle, travail forcé, contrainte à commettre des délits, exploitation de la mendicité, mariages forcés…
Dans le même temps, au niveau des États, des politiques coordonnées et efficaces de lutte contre la traite des êtres humains font défaut.
Il manque des plans d’action à la hauteur des enjeux et des moyens pour les mettre en oeuvre.
En France les associations ont été à l'origine de la prise de conscience de ce fléau. Leur action dans ce combat doit être reconnue en tant que telle par le Parlement européen.
Afin de favoriser l’efficacité des politiques de prévention et lutte contre la traite, le Collectif « Ensemble contre la traite des êtres humains » porte à la connaissance des candidats aux élections européennes de mai prochain les recommandations suivantes :
- Des mécanismes de coopération entre États de l’Union européenne doivent être mis en place pour une solidarité effective favorisant équité des procédures, haut niveau de protection, conditions d’accueil dignes.
- Les bonnes pratiques doivent être harmonisées.
- La coopération avec les organisations de la société civile doit être renforcée.
- Pour favoriser l’assistance et la prise en charge des personnes victimes de traite sur l’ensemble du territoire européen, un mécanisme national de référence pour l’identification et l’accompagnement des victimes doit être mis en place par chaque État européen conformément à ses engagements internationaux.
- Le principe de non-sanction des victimes de la traite des êtres humains doit être implanté et généralisé à l’échelle de toutes les nations européennes afin d’assurer une réelle protection des victimes, en leur permettant notamment de pouvoir s’adresser aux enquêteurs et dénoncer les trafiquants ou réseaux de traite sans s’exposer à un risque d’arrestation ou d’expulsion.
- Une approche par les droits et non purement « sécuritaire », qui s’appuie sur l’intérêt des victimes, doit être adoptée pour redonner aux victimes leur dignité.
- L'accès aux mécanismes de réparation pour toutes les victimes de traite doit être garanti dans la pratique comme dans la loi.
- À l’échelle internationale, des initiatives doivent être dirigées vers les pays tiers dont les victimes sont originaires ou dans lesquels elles sont transférées, afin de sensibiliser l’opinion publique au phénomène de la traite ; de réduire la vulnérabilité des personnes, de donner aux victimes les moyens de se reconstruire ; de prévenir la traite en travaillant sur les causes premières de la traite des êtres humains ; et enfin de soutenir les acteurs locaux dans la mise en place et l’application des législations adéquates pour la combattre. Des programmes internationaux d’appui à des initiatives locales d’identification, de défense et de soutien des victimes de traite et de sensibilisation au phénomène de la traite doivent être soutenus par l’Union européenne.
- De plus, le Collectif dénonce l’instrumentalisation de la question de la traite des êtres humains au profit de politiques qui confondent migration économique, trafic de migrants et traite des êtres humains et appelle les candidats à la faire cesser.
Le Collectif porte à la connaissance des candidats son analyse sur trois problématiques actuellement cruciales et qui doivent être prises en compte :
- Une attention particulière doit être assurée aux mineurs victimes ou à risque de traite des êtres humains
- Les politiques migratoires de l’Union européenne doivent contribuer à la prévention et la lutte contre la traite des êtres humains
- L’Union européenne doit contribuer à éradiquer la traite des êtres humains aux fins d’exploitation par le travail en Europe
Une attention particulière doit être assurée aux mineurs victimes ou à risque de traite des êtres humains
Tout mineur doit faire l’objet d’une protection spéciale et de soins spéciaux (1).
Les mineurs victimes ou à risque de traite des êtres humains doivent bénéficier, à plus forte raison, d’une attention particulière et d’une protection inconditionnelle (2).
Tout mineur victime de traite et présent sur le territoire d’un pays de l’Union Européenne doit être pris en charge dans le cadre du dispositif de protection de l’enfance dudit pays.
Pour cela, un repérage et une identification des victimes de traite doivent systématiquement être menés à la frontière et sur l’ensemble du territoire national. Aucun refus de prise en charge d’un mineur n’est acceptable.
Les mineurs non accompagnés étrangers, du fait de leur isolement et de leur parcours migratoire sont particulièrement vulnérables et exposés au risque de traite des êtres humains.
Ils doivent donc se voir accorder la même protection que tout autre enfant définitivement ou temporairement privé de son milieu familial pour quelque raison que ce soit. Ils doivent, sans délai et systématiquement, se voir accorder un représentant légal ainsi qu’un hébergement dans des conditions dignes et adaptées à leurs besoins. En particulier, ils doivent pouvoir bénéficier d’un accueil d’urgence inconditionnel.
Tous les mineurs, qu’ils soient en famille, isolés encore placés au sein d’un dispositif de protection de l’enfance, et quelle que soit leur nationalité, doivent inconditionnellement bénéficier de la même protection inhérente à leur qualité d’enfant.
A ce titre, ils doivent être protégés contre toute forme de traite des êtres humains. Leur sécurité physique et psychique doit être assurée par leur droit à disposer d’un environnement leur garantissant un développement sain et harmonieux.
(1) Article 25, Paragraphe 2 de la Déclaration Universelle des droits de l’homme (1948). Article 24 Charte des droits fondamentaux de l’Union européenne (2000). Préambule Convention Internationale des Droits de l’Enfant (1989).
(2) Art 13 de la Directive 2011/36/UE (2011) : « Les enfants victimes de la traite des êtres humains bénéficient d’une assistance, d’une aide et d’une protection. L’intérêt supérieur de l’enfant est une considération primordiale dans l’application de la présente directive ». Art 12-6 de la Convention du Conseil de l’Europe sur la lutte contre la traite des êtres humains (2005) : « Chaque partie adopte les mesures législatives ou autres nécessaires pour s’assurer que l’assistance à une victime n’est pas subordonnée à sa volonté de témoigner ».
Les politiques migratoires de l’Union européenne doivent contribuer à la prévention et la lutte contre la traite des êtres humains
Les États membres de l’Union européenne doivent reconstruire une politique européenne de migrations, garantissant le respect des droits humains et des libertés fondamentales, centrée sur la dignité de la personne et oeuvrant pour la prévention de la traite des êtres humains et la protection des personnes victimes de traite.
Chaque État doit s’engager résolument en faveur d’une politique internationale harmonisée de lutte contre la traite des êtres humains, comme le préconise le pacte mondial des migrations.
Au-delà de la nécessité de réformer le règlement Dublin III, les États membres doivent s’engager au niveau Européen à défendre un réel système d’asile européen solidaire et protecteur. Ce système permettra aussi aux victimes de traite de faire, d’une part, le choix du pays où elle souhaite solliciter l’asile, et d’autre part, de bénéficier de cette protection dans un pays garantissant au mieux leur défense contre les exploitants et réseaux de traite.
Les politiques de refoulement systématique des personnes migrantes aux frontières aujourd'hui mises en oeuvre par l'Union européenne et ses États membres à l'extérieur comme à l'intérieur du territoire européen doivent être stoppées parce qu’elles exposent les personnes migrantes à un risque de traite et renforcent de fait les moyens d’action des trafiquants.
Le rétablissement des contrôles aux frontières intérieures met à mal la libre circulation entre États européens. S’il est essentiel que chaque pays européen privilégie la détection et l’accompagnement des victimes de traite, la politique de forteresse européenne doit cesser tout comme le renforcement systématique des contrôles et de la criminalisation des victimes d’exploitation, sous couvert de lutte contre la traite des êtres humains.
L’Union européenne doit contribuer à éradiquer la traite des êtres humains aux fins d’exploitation par le travail en Europe
Chaque être humain a droit au libre choix de son travail, dans des conditions équitables et satisfaisantes lui assurant ainsi qu’à sa famille une existence conforme à la dignité humaine (article 23 de la Déclaration universelle des droits de l’homme)
Certains secteurs du travail connaissent de graves violations de ces principes notamment au sein des industries extractives, dans le secteur agroalimentaire, du textile, mais aussi au sein des agences intermédiaires (notamment de recrutement), des petites et moyennes entreprises et dans le bâtiment.
Afin de protéger les individus contre des violations, garantir un emploi digne et éradiquer le phénomène de la traite des êtres humains aux fins d’exploitation par le travail à l’échelle internationale et européenne, le Collectif "Ensemble contre la traite des êtres humains" insiste sur la nécessité de mettre fin aux atteintes aux droits humains dans les activités des multinationales ainsi que dans celles de leurs filiales, sous-traitants, fournisseurs et tous les autres acteurs des chaînes de production et de distribution, par l’harmonisation et le renforcement des mécanismes de contrôle et de responsabilisation sociétale des entreprises.
Des normes contraignantes pertinentes doivent être adoptées en Europe, notamment à l’adresse des multinationales, afin de garantir aux victimes de traite un accès à une justice effective et efficace.
Les travailleurs détachés devraient systématiquement bénéficier d’informations sur leurs droits dans leur langue natale, de coordonnées des services compétents en cas de problèmes et ce tout au long de la durée du détachement afin de prévenir tout abus et violation de leurs droits en matière de dignité de conditions de travail ou d’hébergement.
L'Union Européenne doit soutenir fortement le processus visant l'internationalisation du devoir de vigilance en contribuant de manière ambitieuse à l'élaboration du traité sur les multinationales et les droits humains actuellement négocié aux Nations-Unies.