Bien que le fait de se porter partie civile soit libérateur pour les victimes de traite, elles sont peu nombreuses à le faire pour diverses raisons. La parole des victimes étant fondamentale pour éclairer les préjudices subis lors des procès, il est primordial de les informer, les soutenir et les protéger pour qu’elles choisissent de se porter partie civile.
Pour ces raisons, les associations se portent parfois partie civile aux côtés des victimes. Lors de l’audience, elles font entendre leur parole, font valoir leurs droits, apportent leur connaissance sur leur parcours et les violences qu’elles ont subies. S’appuyant sur leur connaissance des mécanismes de la traite, elles délivrent également des informations sur le fonctionnement des réseaux.
Pourquoi se porter partie civile ?
Eclairer la justice sur les préjudices subis
La justice est premièrement faite pour juger les mis en causes. Les victimes peuvent donc être absentes des procès. Cependant, lorsqu’elles interviennent directement ou par la voix de leur avocat, il s’en suit une meilleure prise de conscience des préjudices subis. Cela donne une vue plus exacte des activités des trafiquants.
Un tournant dans la reconstruction des victimes
Pour les victimes, le fait de participer au procès est très libérateur. Elles peuvent ainsi prendre conscience concrètement de la condamnation des actes de l’exploiteur par la justice.
Le fait d’être reconnu « officiellement » comme victime permet de se reconstruire et de retrouver une place d’être humain dans la société, après avoir été considéré comme des « marchandises » par leur exploiteur et les clients de la prostitution.
Encourager les victimes à se porter partie civile
Sécuriser les victimes
Se porter partie civile est une décision qui appartient à la victime. Cependant, pour que celle-ci puisse l’envisager, il est nécessaire de la protéger des pressions des exploiteurs en lui trouvant un hébergement dans un cadre sécurisé.
Il est également fondamental de régulariser sa situation en amont. Sans cela, elle reste la proie des trafiquants.
Informer les victimes sur les bienfaits de se porter partie civile
Il est nécessaire d’informer les victimes sur le fonctionnement de la justice en France. Elles prennent ainsi conscience que leur parole sera entendue et qu’elle a du poids pour que justice soit faite.
L’exemple du procès de Lyon en novembre 2019
« Il fait suite à 3 ans d’enquête approfondie de la part de la police, ce qui est un investissement remarquable pour un cas de traite des êtres humains.
Ce fut un procès d’une grande ampleur. Il y avait 24 accusés.
Les trafiquants recrutaient au Nigéria pour un réseau basé en France où résidait un grand ordonnateur. Les exploiteurs possédaient toute une flotte de camionnettes dont les conducteurs surveillaient également les victimes. Une équipe de madames et de proxénètes géraient l’activité des femmes et d’autres personnes étaient spécialisées dans les transferts d’argent. Le voyage des jeunes femmes était également exploité, en particulier lors de la période passée en Lybie. Elles y subissaient des viols et des violences sexuelles qui les préparaient à leur exploitation en France.
C’était un réseau structuré comme peut l’être une entreprise multinationale.
L’accusé principal était un pasteur. Il a formellement nié les faits mais les écoutes le mettent clairement en cause.
La plupart des victimes sont arrivées lorsqu’elles étaient encore mineures. Tous les éléments étaient réunis pour que l’enquête soit qualifiée de traite en bande organisée. Le procès aurait donc dû se dérouler en Cour d’assise. Mais principalement pour des raisons de calendrier, il est passé en Correctionnel.
Bien qu’en situation irrégulières, un certain nombre de victimes s’étaient portées partie civile. Elles étaient néanmoins terrifiées à l’idée de se retrouver dans la même salle que les prévenus. Nous avons donc demandé à ce qu’elles puissent témoigner par vidéoconférence, ce qui nous a été refusé.
De ce fait, la présidente a simplement lu les témoignages des victimes. Ce fut très bref. C’est un bon exemple des difficultés rencontrées par les victimes lorsqu’elles se portent parties civiles lors d’un procès de cette ampleur, et du peu d’éléments mis en place pour les mettre dans de bonnes conditions. » Hélène de Rugy
L’Amicale du Nid
Elle lutte contre la traite des êtres humains à travers 2 missions :
L’une orientée sur le travail social : maraudes sur les lieux de prostitution, accueil et accompagnement social des victimes avec ou sans hébergement au sein de ses établissements (9 établissements Centre d’Hébergement et de Réinsertion Sociale en France et des permanences en partenariat avec d’autres associations)
La seconde est dédiée à la formation des professionnels susceptibles d’être en contact avec des personnes en situation de prostitution ou en risque de prostitution ou de traite, la prévention auprès des jeunes (sur le risque de prostitution, de devenir client ou proxénète, le tout dans un cadre plus global sur la prévention des violences faites aux femmes et le respect de soi et d’autrui) et la recherche pour mieux connaitre le système prostitutionnel.
L'Amicale du Nid est une association nationale.
Article rédigé avec la contribution d’Hélène de Rugy