Je m’appelle Angel, j’ai 25 ans.
Je vis en France, dans une grande ville. Je viens d’un milieu très modeste.
L’histoire que je vous raconte remonte à mes 15 ans.
Tout commence un soir, dans une des rues de ma ville.
Alors que je rentre seul chez moi, un homme d’un âge mûr m’aborde. Il a l’air gentil, s’intéresse à moi, on entame la conversation. Il s’appelle Stéphane.
Au bout d’un certain temps, il me propose de venir chez lui. J’hésite un peu.
C’est à cet instant qu’il me révèle qu’il peut me faire gagner beaucoup d’argent. À condition que je me soumette à certaines pratiques sexuelles avec lui.
Je sais que d’autres enfants font ça dans mon quartier.
Sur le moment, j’appréhende un peu, mais j’ai besoin de cet argent, et je me dis que ce serait un bon moyen d’aider ma famille. Alors j’accepte.
Au fil du temps, Stéphane me présente à certaines de ses connaissances.
Ils sont français et ont entre 40 et 60 ans. Ils réclament tous la même chose.
Ils savent très bien que de telles pratiques sont illégales, mais ça ne les dérange pas.
Certains vont jusqu’à aider financièrement mes parents, m’emmènent à la piscine ou à la plage.
Ils se prennent pour des bienfaiteurs, malgré les horreurs qu’ils me font vivre, juste parce qu’ils nous donnent de l’argent.
Ce système est désormais notre principal moyen de survie. Il est impossible pour nous de se passer de cet argent.
Ayant interpellé les clients de violences sexuelles sur mineurs, la police se saisit de l’affaire. Elle arrête mes parents en les accusant de proxénétisme.
Sur le coup, j’ai très peur qu’ils aillent en prison. Lors de l’audition, où je suis entendu en tant que victime, je cherche avant tout à les protéger !
Je dis aux agents que mes parents n’étaient au courant de rien !
Aujourd’hui, je vois différemment cette période de ma vie.
Des personnes ont abusé de moi car je n’étais qu’un enfant. Ils ont installé et exercé une forte emprise financière sur notre famille pour arriver à leurs fins.
Ça a été difficile de sortir de ce système. Beaucoup de gens m’ont aidé pour y arriver, me reconstruire et arrêter de souffrir. Mais ça a pris plusieurs années.
DES CLEFS POUR COMPRENDRE
L’exploitation sexuelle des mineurs est une des formes de traite des êtres humains. Elle correspond à une situation où une victime mineure va être contrainte, directement ou indirectement, à satisfaire les désirs sexuels d’autrui. Il y a « traite des êtres humains », dès lors que la victime exploitée est mineure, son âge suffisant à prouver l’existence d’une contrainte.
Qui sont les victimes ?
Les victimes d’exploitation sexuelle prises en charge par des associations sont des jeunes de moins de 18 ans, qui peuvent parfois même être de très jeunes enfants.
Ce sont souvent des jeunes filles qui se retrouvent en rupture familiale partielle ou totale, mais ces victimes peuvent être de toute nationalité et appartiennent à tous les milieux socio-économiques.
Cependant, elles ont la plupart du temps connu un évènement traumatique qui les a rendues particulièrement vulnérables aux prédateurs, comme du harcèlement scolaire ou un premier traumatisme d’ordre sexuel.… en faisant une proie idéale pour des prédateurs sexuels.
Comment les repérer ?
Il est difficile de repérer ces victimes, dont l’exploitation passe le plus souvent par des interfaces numériques.
Celles-ci permettent une exploitation rapide et démultipliée, et rendent l’identification des victimes compliquée.
Par ailleurs, les victimes mineures d’exploitation sexuelle se distinguent par le déni qu’elles ont le plus souvent de leur situation d’exploitation.
Il convient ainsi, en cas de repérage d’une potentielle victime, de tâcher de l’accompagner malgré l’absence de verbalisation de sa situation.
Chacun peut tenter d’identifier, en cas de rencontre avec une victime potentielle, un faisceau d’indices laissant soupçonner une situation d’exploitation sexuelle (hyper-sexualisation, condition physique inquiétante, fugues à répétition, dépendance toxicologique et numérique…).
Dans tous les cas, il est important de se tourner vers les associations spécialisées qui sauront vous guider pour orienter, ou accompagner le ou la jeune sans vous mettre en danger, l’enfant étant certainement lié à un réseau de traite.
Pourquoi ce phénomène en marge des grands événements sportifs ?
En marge des grands événements sportifs, l’afflux important de touristes augmente le risque d’exploitation sexuelle des mineurs. Le plus grand nombre de « clients » potentiels représente une opportunité pour les exploiteurs, organisés en réseau ou isolés, et attire de nouveaux groupes criminels. Pour les enfants, particulièrement vulnérables, le risque de devenir victime de traite est d’autant plus élevé.
Les auteurs de traite vont profiter de la forte hausse des recherches de faveurs sexuelles, pour augmenter considérablement leur chiffre d’affaire.
Cette hausse est liée à l’afflux massif de personnes dans un contexte particulièrement festif, ayant parfois un sentiment d’impunité, lié au déplacement, à l’exaltation des résultats de la compétition ou à la présence d’une « offre » de « prostitution ».
Les organisations criminelles vont donc recruter massivement de nouvelles victimes parmi les plus vulnérables, et donc beaucoup parmi les mineurs, pour couvrir les demandes.
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