A Calais, la plupart des personnes exilées cherchent à rejoindre le Royaume Uni. Majoritairement Soudanais, Syriens, Afghans, Erythréens, mais également Kurdes, Iraniens, Egyptiens ou Ukrainiens, les migrants sont bloqués à la frontière française.
Dans ce cadre, la politique de l’Etat français vise essentiellement à lutter contre les points de fixation de cette population. Cela se traduit par un démantèlement régulier des camps de réfugiés avec expulsion des migrants toutes les 48h.
Dans ce climat d’insécurité permanente vivent des mineurs non accompagnés (MNA). Souvent en compagnie d’adultes de leur communauté, leurs conditions de vie sont très précaires. L’accès à l’eau, la nourriture et l’hygiène sont extrêmement limités.
Ce public vulnérable et sans protection adaptée est particulièrement exposé aux risques d’emprise, d’exploitation et de traite, ne serait-ce que dans une logique d’urgence et de survie (obtenir à manger, avoir un lieu pour dormir, trouver une solution pour atteindre l’Angleterre, rembourser leur dette aux passeurs …).
Des Mineurs Non Accompagnés livrés à eux-mêmes
Il n’est pas rare que ces mineurs aient été victimes de traite ou d’exploitation lors de leur parcours migratoire, les formes les plus fréquemment rencontrées étant la servitude domestique ou le travail forcé en Turquie ou en Lybie, par exemple.
En l’absence de prise en charge spécifique de ces mineurs condamnant ces formes d’exploitation, ce vécu participe à la banalisation des situations de traite pour ces jeunes qui finissent par les subir en silence.
A Calais, les Mineurs Non Accompagnés sont fréquemment contraints à des actes de délinquance (recrutement de clients pour des passeurs, conduite des bateaux…), ou à fort risque d’exploitation sexuelle, ne serait-ce que pour accéder à un hébergement. Ils sont exploités par des passeurs, des trafiquants, des membres de leur communauté ou des citoyens européens.
Ces mineurs ayant pour la plupart l’intention de se rendre en Angleterre, ne sont, bien souvent, pas pris en charge par la protection de l’enfance en France et n’ont pas accès aux dispositifs d’accueil qui sont réservés aux enfants souhaitant se stabiliser sur le sol français.
Des enfants isolés invisibles pour les services sociaux
Dans un climat de pression et d’insécurité permanente, les mineurs se méfient de tous les adultes qui peuvent représenter à leurs yeux les autorités françaises. De ce fait, ils se tiennent éloignés de tout dispositif qui pourrait néanmoins leur venir en aide (services sociaux, associations…).
Ils sont donc sous l’unique influence des adultes de leur communauté, qui peuvent parfois exercer sur eux de la désinformation, des pressions ou une emprise, que ce soit involontairement ou pour les exploiter.
Il est donc très difficile d’identifier les Mineurs Non Accompagnés parmi la population d’exilés, de créer un lien de confiance avec eux, et de les prendre en charge ne serait-ce que pour les protéger.
Permettre aux mineurs de choisir leur parcours migratoire
Isolés, désinformés par leur communauté, ou sous emprise, la plupart des mineurs non accompagnés n’ont pas eu la possibilité d’avoir une vraie réflexion sur leur parcours migratoire.
De ce fait, ils ont souvent une vision idéalisée des conditions de vie en Angleterre, ignorent les dangers auxquels ils s’exposent lors de la traversée de la Manche, et ne connaissent pas leurs droits sur le territoire français.
Dans un premier temps, il est impératif de prévoir des dispositifs de protection spécifiques pour ces jeunes, ne serait-ce que pour les préserver de l’exploitation, de la traite ou des dangers de la traversée de la Manche.
Ensuite, il est nécessaire de créer des espaces de prévention et d’information à destination de ces mineurs afin de leur laisser la possibilité de réfléchir à leur parcours migratoire et de faire des choix de vie en connaissance de cause.
Dans ce cadre, ECPAT a développé le projet PROTECT dédié aux Mineurs Non Accompagnés en situation de rue à Calais.
Un accompagnement global et pluridisciplinaire
Une équipe pluridisciplinaire est dédiée à la prise en charge des mineurs : une psychologue, un juriste et deux médiatrices sociales et interculturelles.
Le premier travail consiste à se rendre dans les campements pour repérer et identifier les mineurs non accompagnés et créer un premier lien de confiance avec eux. Le but est de pouvoir ensuite les informer sur leurs droits, les risques de la traversée, les conditions de vie en Angleterre…
Pour cela, l’équipe organise et propose des activités hors campement : ateliers d’information ou thérapeutiques, activités de loisirs…
L’objectif est d’extraire les jeunes des influences de leur communauté et de couper avec la dynamique de survie de leur quotidien en leur proposant un espace sécurisé, de détente et de ressource. Ils ont alors la disponibilité d’esprit pour échanger, créer un lien de confiance, s’informer ou réfléchir à leur parcours migratoire.
Le lien créé avec les mineurs permet aussi de détecter des situations de traite, d’exploitation ou d’emprise et de mettre en place une prise en charge individuelle adaptée : accompagnement social, juridique, psychologique selon les parcours, les besoins et les vulnérabilités de chaque jeune.
Chaque mineur non accompagné rencontré est signalé aux services de protection de l’enfance. L’association transmet tous les éléments à sa disposition afin que l’Aide Sociale à l'Enfance puisse tenir compte de la situation de chaque jeune en cas de prise en charge. Cela lui permet également de prendre connaissance des problématiques rencontrées par les mineurs non accompagnés et d’adapter ses actions en fonction.
Renforcer les capacités des acteurs associatifs
De nombreux acteurs associatifs travaillent auprès des personnes migrantes à Calais sur l’accès à l’eau, à la nourriture, à l’information, aux services de soins.
Le projet PROTECT prévoit des actions de formation auprès de ces associations pour :
- Les aider à repérer, identifier et orienter les Mineurs Non Accompagnés parmi leur public
- Les informer sur la traite des êtres humains afin qu’ils puissent reconnaitre les situations de traite, les signaler et orienter les victimes en vue de leur protection et prise en charge.
ECPAT FRANCE
Membre du réseau international ECPAT (End Child prostitution, Child Pornography & trafficking of children for sexual purposes), ECPAT France est une association française créée en 1997.
Elle a pour mission de prévenir et de lutter contre toutes les formes de violence et d’exploitation sexuelle des enfants, y compris la traite, en ligne et hors ligne.
Ecpat France développe des projets en France et à l’international pour prévenir, protéger et réparer les droits des mineurs et les jeunes victimes. Elle porte une attention particulière à la participation et à la prise en compte des vues des enfants dans le développement et la conduite de ces projets.
Article écrit en collaboration avec Amélie Gatoux, responsable du bureau d’ECPAT à Calais