Le premier février 2023, à Toulouse, l’Office Central pour la Répression de la Traite des Êtres Humains (OCRTEH) a perquisitionné 3 appartements soupçonnés d’être des lieux d’exploitation sexuelle loués par des auteurs de traite. L'opération a été menée en lien avec une association, afin de faciliter la prise en charge des victimes.
L’Amicale du Nid a accompagné les officiers de police. L’opération a permis d’entrer en relation et d’auditionner 3 victimes Colombiennes, de 27 à 35 ans. Elles étaient exploitées par 4 auteurs situés à Malaga, interpelés par la police Espagnole en amont. La traite était organisée depuis l’Espagne. Les victimes faisaient l’objet d’annonces sur des sites d’escorting et étaient envoyées un peu partout en France selon la demande. L’exploitation se déroulait dans des appartements loués par le réseau.
Quelques jours avant l’opération, l’OCRTEH a sollicité l’Amicale du Nid pour intervenir auprès des victimes.
En effet, le service de police intervient ponctuellement en fonction du déroulement de l’enquête, puis les officiers repartent sur Paris. Ils ont donc besoin d’une association spécialisée, implantée localement, pour accompagner les personnes dans la durée.
Rassurer les victimes pour favoriser leur coopération avec la justice
Sans papier et en situation de prostitution, les victimes craignent par défaut les autorités judiciaires. Le fait que ce soit des membres d’une association, et non des policiers, qui interviennent auprès d’elles est extrêmement rassurant. Elles sont alors beaucoup mieux disposées pour coopérer avec la justice.
Une équipe dédiée de l’Amicale du Nid a donc accompagné les officiers lors de l’intervention. Les membres de l’association se sont présentés et ont expliqué aux personnes :
- Qu’elles ne sont pas inculpées dans cette affaire, mais considérées comme victimes.
- Qu’elles peuvent donc témoigner, porter plainte ou collaborer avec la police si elles le souhaitent.
- Qu’elles ont des droits spécifiques en tant que victimes, notamment l’obtention d’un récépissé de titre de séjour le temps des investigations ou le droit à la Couverture Maladie Universelle.
Les membres de l’association ont par la suite revu les victimes avant leur audition et 2 des 3 victimes ont déposé plainte quelques jours après l’intervention. Cependant, elles ont encore aujourd’hui peur de témoigner car elles craignent la confrontation avec les auteurs.
Favoriser la protection des victimes
Les membres de l’association et l’OCRTEH sont ensuite restés disponibles ensemble pour faciliter l’accès aux droits des victimes, l’obtention de leur récépissé de titre de séjour et les encourager à la coopération avec la justice. Les officiers se sont rendus à Toulouse pour recevoir les dépôts de plainte.
Cette forme de collaboration entre l’OCRTEH et une association spécialisée s’avère très pertinente. En se réunissant autour des victimes, les 2 acteurs favorisent leur protection dans la durée.
Un service de police particulièrement adapté à la prise en charge des victimes de traite
L’OCRTEH est spécialisé sur la traite. Les officiers de ce service connaissent les réalités des victimes.
C’est pourquoi ils font preuve d’écoute et de bienveillance à leur égard, et savent prendre en compte les mécanismes d’emprise auxquels elles ont été soumises.
Au final, officiers de police et personnel associatif s’adressent de la même façon aux victimes, et portent le même regard sur elles, ce qui facilite grandement leur protection et leur participation pour faire avancer l’enquête.
Par ailleurs, l’OCRTEH a conscience de la valeur du travail des acteurs associatifs de terrain, ce qui facilite la relation professionnelle entre ces organismes et rend la collaboration d’autant plus efficace.
Un partage d’information enrichissant
Pour les associations, la collaboration avec l’OCRTEH donne des renseignements sur le contexte de traite internationale et les réseaux qui arrivent en France actuellement. Elle permet aussi de mieux comprendre la complexité du travail de fond des enquêteurs, nécessitant la plupart du temps une coopération entre plusieurs pays.
Enfin, la coopération avec l’OCRTEH ne s’arrête pas aux interventions ponctuelles.
Au quotidien, les associations sont invitées à faire remonter leurs observations terrain au service spécialisé de police, afin qu’il puisse recouper ces informations avec les siennes et mieux faire avancer les enquêtes.
L’Amicale du Nid
L’Amicale du Nid (AdN) est une association qui compte 75 ans d’engagement auprès des personnes en situation de prostitution, victimes du système prostitutionnel, du proxénétisme et de la traite des êtres humains à des fins d’exploitation sexuelle pour un accompagnement vers la sortie. C’est une association laïque, indépendante de toute organisation ou parti. Ses principes sont l’égalité entre les femmes et les hommes, la non-patrimonialité du corps humain qui ne peut être considéré comme un bien ou une marchandise, la dignité de la personne humaine visant à garantir son intégrité physique et psychologique contre toute atteinte extérieur.
L’association est présente sur 15 départements et compte plus de 200 professionnel.les qualifié.es et régulièrement formé.es. Elle inscrit son action dans un continuum au service de la prévention et de la lutte contre le système prostitutionnel :
Le plaidoyer ;
action spécifique d’aide aux victimes d’infractions pénales : accompagnement juridique dédié, constitution de partie civile, chiffrage des préjudices
La prévention, la sensibilisation, la formation (l’AdN est organisme de formation), des diagnostics territoriaux, des recherches-actions, des missions mineur.es sur 5 départements : 1 500 professionnel.les sensibilisé.es et formé.es et 400 jeunes rencontré.es en intervention de prévention par an ;
L’aller-vers : 3 300 personnes rencontrées dans l’espace public, 1 700 sur Internet ;
L’accompagnement social global personnalisé : 4 500 personnes accueillies, 1 400 accompagnées ;
L’hébergement et le logement accompagné avec plus de 480 places : plus de 1 300 personnes hébergées ou logées par an (dont plus d’1/3 d’enfants).
L’adaptation à la vie active avec deux ateliers d’adaptation à la vie active (AAVA) comptant 38 places avec près de 90 stagiaires par an.
Article écrit en collaboration avec Marie Audoubert, juriste à l'Amicale du Nid.